• 15 juillet 2020

LA MINUTE TECHNIQUE : LES DÉBUTS DU CHRONOGRAPHE

LA MINUTE TECHNIQUE : LES DÉBUTS DU CHRONOGRAPHE

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Un chronographe est un garde-temps qui permet d’enregistrer la durée d’un événement. Pour ce faire, il est équipé d’au moins une aiguille indépendante que l’on peut démarrer, stopper et remettre à zéro. L’idée de mesurer ce qu’on appelle des « temps courts » est assez ancienne et connut de nombreux développements avant de déboucher sur le mécanisme que l’on utilise aujourd’hui.

Avant de se lancer dans cette aventure, les horlogers durent d’abord « inventer » la seconde. En effet, les premières montres n’affichaient que l’heure avec une précision toute relative. Vint ensuite la minute, et enfin la seconde. A la fin du XVIe siècle, cette dernière est définie comme suit par Christoph Rothmann, l’astronome à la cour du prince allemand Guillaume IV de Hesse-Cassel : « La durée d’une seconde n’est pas très courte, mais ressemble à la durée de la plus petite note dans une chanson modérément lente. » Tout au long du XVIIIe siècle, les progrès techniques liés à l’ensemble balancier-spiral permirent d’augmenter la précision des montres, jusqu’à ce que la mesure mécanique des temps courts puisse prendre forme.

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Plusieurs noms se partagent la paternité du premier chronographe. Ce n’était pas l’instrument tel qu’on le connaît aujourd’hui, mais une montre dont on pouvait arrêter et relancer l’aiguille des secondes. Parmi les candidats, un horloger se distingue : c’est Jean-Moïse Pouzait. En 1776, cet horloger genevois dépose un mémoire décrivant le fonctionnant d’une montre à seconde morte indépendante que l’on pouvait stopper à la demande, sans perturber le fonctionnement du mouvement. Il n’est cependant pas possible de la remettre à zéro, et il n’y a pas de compteur pour les minutes.

Le liégeois Hubert Sarton présenta en 1789 ce qu’il appelle lui-même ses « montres chronométrographiques ». Un contemporain décrit son invention comme suit : « Une nouvelle montre d’observation au moyen d’un nouveau mécanisme additionnel et d’un indicateur particulier, qui, sans interrompre aucunement la marche de la montre, peut tenir note exacte de la durée d’une observation quelconque, en indiquant les heures, minutes et secondes qui ont rempli l’intervalle de l’observation, de son commencement à sa fin, sans qu’il soit nécessaire d’avoir les yeux fixés sur la montre, et sans être obligé d’y faire aucune attention ». On ne sait cependant rien de la marche, de l’arrêt et de la remise à zéro du dispositif.

Sarton
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En 1816, Louis Moinet, un Français, créa pour le besoin de ses observations astronomiques un compteur de tierces. Une tierce est la 3e division de l’heure en 60 parts et vaut donc 1/60e de seconde. Même s’il ne s’agit pas d’une montre puisqu’il n’y a aucun affichage de l’heure, cette pièce se distingue d’abord par son extraordinaire fréquence, ensuite, parce qu’on a tout ce qui fait le mécanisme du chronographe moderne, à savoir les compteurs et les deux poussoirs « start/stop » et « reset ». Cependant, ce compteur a été conçu pour un usage purement privé et il resta donc longtemps méconnu de la communauté horlogère.

Malgré les inventions de ces pionniers, et d’autres que nous n’avons pas cités, tous les chronographes modernes trouvent leur source dans les deux brevets déposés par Adolphe Nicole en 1844 et 1862. Dans ces deux documents, l’horloger suisse pose les fondements techniques du mécanisme tel que nous le connaissons aujourd’hui. Il ne s’agit pas de travaux forcément originaux : la came en forme de cœur utilisée depuis pour la remise à zéro a été initialement inventée par l’Autrichien Joseph-Thaddeus Winnerl en 1838, par exemple. Et puis, le second brevet est entaché d’une polémique qui opposa Adolphe Nicole à Henri-Féréol Piguet. Ce dernier était son ouvrier, et il affirma que le chronographe était le fruit de son travail dont son patron s’empara sans son accord. Il fit ainsi paraître à au moins deux reprises des annonces pour soutenir ses revendications. La première fut publiée en 1883 dans le Journal Suisse de l’Horlogerie, et la seconde en 1896 dans la Feuille d’Avis de la Vallée de Joux.

Chronographe de Rieussec-1822-Hall-of-Time

Reste un nom qui n’a pas encore été cité, et que beaucoup associent toujours à l’invention même de l’objet qui nous occupe. Il s’agit de Nicolas Rieussec et de sa création, le chronographe-encreur, protégé par un brevet en 1822. Ce garde-temps un peu spécial répond à un besoin très spécifique : enregistrer les temps des différents concurrents lors des courses hippiques. Ce sport connaissait en effet un réel engouement dans la bonne société de l’époque, et faisait l’objet de nombreux et importants paris, d’où la nécessité de mesures précises. Pour ce faire, l’horloger construisit un dispositif particulier où, chaque fois qu’un cheval passait la ligne d’arrivée, une aiguille actionnée à la demande déposait une goutte d’encre sur un cadran en émail rotatif. C’est un peu l’ancêtre de la photo-finish et c’est de là que viendrait l’usage du mot chronographe, du grec ancien khrónos « temps » et gráphō « écrire ». Le mot existait depuis bien longtemps, et désignait depuis le XVe siècle un chroniqueur, c’est-à-dire celui qui consigne les faits historiques dans l’ordre de leur déroulement. Il trouva ici un nouvel emploi qui perdure jusqu’à nos jours.

C’est dans le dernier tiers du XIXe siècle qu’apparaît progressivement le chronographe moderne basé sur les brevets d’Adolphe Nicole. Il est alors doté d’un seul poussoir qui commande une roue à colonnes orchestrant le cycle « départ/arrêt/remise à zéro ». Il y a généralement un compteur des minutes et parfois des heures.

Les développements du chronographe du XXe siècle à nos jours feront l’objet d’un article séparé … à suivre donc !

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